Restriction future des microplastiques dans les produits cosmétiques

Vers une (quasi-)interdiction des microplastiques dans les produits cosmétiques

L’ECHA, l’Agence européenne des produits chimiques, a publié ses conclusions à l’intention de la Commission européenne sur la future restriction des microplastiques dans l’UE. La restriction proposée, qui doit encore être approuvée par la Commission, devrait avoir un impact sur l’industrie cosmétique. L’adoption de ce nouveau texte législatif pourrait intervenir dès la fin de l’année 2021, mais plus probablement en 2022. Des périodes de transition sont accordées, sauf pour les microbilles (microplastiques exfoliants) dans les cosmétiques, qui seront interdites dès l’entrée en vigueur du règlement.

Microplastiques et défis environnementaux

Les plastiques nous facilitent la vie à bien des égards et sont souvent plus légers ou moins coûteux que d’autres matériaux. Toutefois, s’ils ne sont pas éliminés ou recyclés correctement, ils peuvent se retrouver dans l’environnement où ils restent pendant des siècles et se dégradent en morceaux de plus en plus petits. Ces petits morceaux (généralement inférieurs à 5 mm) sont appelés microplastiques et sont préoccupants.

Les microplastiques sont des particules plastiques solides composées de mélanges de polymères et d’additifs fonctionnels. Les microplastiques peuvent être formés involontairement ou délibérément fabriqués et ajoutés à des produits à des fins spécifiques, comme les billes exfoliantes dans les gommages pour le visage ou le corps (microbilles) ou les paillettes décoratives dans les produits de maquillage.

Globalement, on estime qu’environ 145 000 tonnes de microplastiques sont utilisées dans l’UE chaque année et que 42 000 tonnes d’entre elles finissent dans l’environnement. La proposition de l’ECHA devrait permettre d’éviter la libération de 500 000 tonnes de microplastiques sur 20 ans.

Restriction proposée

Si la législation est adoptée, la concentration d’un microplastique dans un mélange destiné à être mis sur le marché de l’UE ne doit pas dépasser 0,01 % en poids. Dans le cadre de cette restriction (qui équivaut à peu près à une interdiction), quatre critères sont utilisés pour déterminer si un matériau peut être considéré comme un microplastique :

  • Polymère synthétique
    • Les polymères non biodégradables (y compris, mais sans s’y limiter, les matières plastiques) entrent dans le champ d’application de cette restriction.
  • État solide
    • Seuls les polymères solides entrent dans le champ d’application de la définition des microplastiques.
  • Morphologie des particules
    • Le problème des microplastiques est lié aux particules. Seuls les « minuscules morceaux de matière ayant des limites physiques définies » entrent dans le champ d’application de la définition des microplastiques.
  • Dimensions
    • Seules les particules contenant des polymères solides dont ≥ 1 % p/p des particules ont (i) toutes les dimensions 1 nm ≤ x ≤ 5 mm, ou (ii) une longueur de 3 nm ≤ x ≤ 15 mm et un rapport longueur/diamètre de >3 entrent dans le champ d’application de cette restriction.

Une dérogation existerait et concernerait le secteur des cosmétiques. Cela signifie que même si un matériau est considéré comme un microplastique, la restriction ne s’applique pas : c’est la « dérogation 5b »[1]. Dans la pratique, cette disposition dérogerait à l’obligation de former des films. les fonctions des microplastiques dans les produits cosmétiques puisque les particules microplastiques cessent d’exister au point d’utilisation (par exemple, elles se « dissolvent », « fusionnent » ou « gonflent » de manière permanente au contact de l’eau à tel point qu’elles ne peuvent plus être considérées comme des particules car elles ont perdu leur interface ou dépassent les dimensions de taille pertinentes).

Toutefois, cette dérogation serait assortie d’obligations spécifiques en matière d’étiquetage et de déclaration (voir ci-dessous). Par conséquent, l’abandon progressif de l’utilisation des polymères (voir annexe II) dans les produits cosmétiques peut être une option à envisager par certaines marques de cosmétiques.

Impact de la restriction proposée

La restriction aurait principalement un impact sur l’industrie cosmétique par le biais des microbilles (microplastiques aux propriétés abrasives utilisées pour exfolier), des paillettes et des parfums encapsulés. Les polymères dissous, les polymères naturels et, d’une manière générale, les polymères biodégradables ou les polymères qui ne sont pas sous forme de microplastiques au point d’utilisation sont exclus du champ d’application de cette proposition de restriction.

Pour certaines fonctions, il est difficile de déterminer a priori si le polymère est ou non un microplastique éligible à la « dérogation 5b ». En outre, l’ECHA reconnaît que la simple lecture du nom INCI d’un ingrédient ne permet pas de déterminer si un polymère est un microplastique ou non. Il incombe en grande partie aux fournisseurs de matières premières de fournir ces informations et aux marques de cosmétiques de rester vigilantes quant à ce qu’elles utilisent.

Obligations en matière d’étiquetage

Si la législation est adoptée, tout fournisseur d’une substance ou d’un mélange contenant un microplastique éligible à la « dérogation 5b » devra s’assurer que, le cas échéant, l’étiquette et/ou la fiche de données de sécurité (FDS) et/ou le « mode d’emploi » et/ou la « notice » fournissent, en plus de celles requises par d’autres législations pertinentes, toutes les instructions d’utilisation pertinentes pour éviter les rejets de microplastiques dans l’environnement, y compris à l’étape du cycle de vie des déchets. Les instructions doivent être clairement visibles, lisibles, indélébiles et éventuellement prendre la forme de pictogrammes.

Cette exigence s’appliquerait à la fois au fabricant de microplastiques, à l’utilisateur industriel en aval de ces microplastiques et à l’utilisateur final en aval (la marque cosmétique si elle est située dans l’UE ou son importateur dans l’UE dans le cas contraire).

Obligations de déclaration

Si la législation est adoptée, les substances ou mélanges contenant des microplastiques utilisés sur des sites industriels (situés dans l’UE) seront soumis à des obligations de déclaration annuelle conformément à l’article 111 du règlement REACH (CE n° 1907/2006). Les informations qui devraient être communiquées peuvent être résumées comme suit :

  • Une description de l’utilisation ou des utilisations de microplastiques au cours de l’année civile précédente,
  • Pour chaque utilisation, des informations génériques sur l’identité du ou des polymères utilisés,
  • Pour chaque utilisation, une estimation de la quantité de microplastiques rejetés dans l’environnement au cours de l’année civile précédente.

En outre, tout fournisseur plaçant un microplastique éligible à la « dérogation 5b » devra envoyer à l’ECHA le format requis par l’article 111 de REACH, au plus tard le 31 janvier de chaque année civile :

  • Une description de l’utilisation finale prévue des microplastiques mis sur le marché au cours de l’année civile précédente,
  • Pour chaque utilisation finale prévue, des informations génériques sur l’identité du ou des polymères mis sur le marché,
  • Pour chaque utilisation finale prévue, une estimation de la quantité de microplastiques rejetés dans l’environnement au cours de l’année civile précédente.

Le comité d’analyse socio-économique de l’ECHA a reconnu que l’obligation de déclaration pourrait être disproportionnée pour les petites entreprises qui mettent de faibles volumes de microplastiques sur le marché de l’UE. Par conséquent, des dérogations peuvent être accordées par la Commission européenne dans sa proposition de règlement.

Périodes de transition

Trois périodes de transition distinctes ont été proposées au niveau de l’ECHA pour gérer la mise en œuvre de la proposition de restriction. Ces périodes de transition débuteraient au moment de l’adoption du règlement :

  • Pas de période de transition pour les produits cosmétiques contenant des microbilles. Cette absence de période de transition est conforme à un certain nombre de dispositions nationales déjà appliquées dans l’UE et interdisant les microbilles dans les cosmétiques depuis 2018, 2019 ou 2020.
  • 4 ans de période de transition pour les produits cosmétiques à rincer (contenant des microplastiques mais pas de microbilles).
  • 6 ans de période de transition pour les produits cosmétiques sans rinçage (contenant des microplastiques mais pas de microbilles).

En outre, des périodes de transition spécifiques s’appliqueraient aux exigences en matière d’étiquetage et de déclaration :

  • 2 ans pour appliquer les obligations en matière d’étiquetage
  • 3 ans pour appliquer les obligations de déclaration

Prochaines étapes

  • Une proposition réglementaire pourrait être publiée dès mai 2021.
  • Des discussions auront lieu dans le courant de l’année 2021 et un vote pourrait avoir lieu en septembre.
  • L’adoption du règlement pourrait avoir lieu dès la fin de l’année 2021, mais plus probablement en 2022. Les périodes de transition commenceraient au moment de l’adoption du règlement.

Nous espérons que cette lettre vous sera utile. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations.

Auteur : Dr. Frédéric Lebreux

Annexe I : Références

Page de l’ECHA sur les microplastiques

https://echa.europa.eu/hot-topics/microplastics

Annexe XV Rapport de restriction

https://echa.europa.eu/documents/10162/05bd96e3-b969-0a7c-c6d0-441182893720

Avis final du comité d’évaluation des risques et du comité d’analyse socio-économique de l’ECHA

https://echa.europa.eu/documents/10162/a513b793-dd84-d83a-9c06-e7a11580f366

Questions et réponses de l’ECHA Décembre 2020

https://echa.europa.eu/documents/10162/28801697/qa_intentionally_added_microplastics_restriction_en.pdf/5f3caa33-c51f-869e-81c8-7e1852a4171c

Registre ECHA des intentions de restriction jusqu’au résultat

https://echa.europa.eu/registry-of-restriction-intentions/-/dislist/details/0b0236e18244cd73

Annexe II : Liste non exhaustive des polymères susceptibles d’être qualifiés de microplastiques et de faire l’objet d’une restriction

Polymère Fonction
Nylon-12 (polyamide-12)Agent de charge, contrôle de la viscosité, opacifiant (p. ex. crèmes antirides)
Nylon-6Agent de charge, contrôle de la viscosité
Poly(butylène téréphtalate)Formation d’un film, contrôle de la viscosité
Poly(éthylène isotéréphtalate)Agent de charge
Poly(éthylène téréphtalate)Adhésif, formation de film, fixateur de cheveux ; contrôle de la viscosité, agent esthétique (p. ex. paillettes dans le bain moussant, maquillage)
Poly(méthylacrylate de méthyle) Sorbant pour l’administration de principes actifs
Poly(téréphtalate de pentaérythrityle)Formation du film
Poly(téréphtalate de propylène) Stabilisation de l’émulsion, conditionnement de la peau
PolyéthylèneAbrasif, filmogène, contrôle de la viscosité, liant pour poudres
PolypropylèneAgent de charge, agent augmentant la viscosité
PolystyrèneFormation du film
Polytétrafluoroéthylène (Téflon)Agent de charge, modificateur de glissement, agent de liaison, conditionneur de peau
PolyuréthaneFormation d’un film (par exemple, masques pour le visage, crème solaire, mascara)
PolyacrylateContrôle de la viscosité
Copolymère d’acrylatesLiant, fixateur de cheveux, formation de film, agent de suspension
Copolymères de stéarate d’allyle et d’acétate de vinyle Formation de film, fixateur de cheveux
Copolymère éthylène/méthacrylate de méthyleFormation du film
Copolymère éthylène/acrylateFormation d’un film dans les écrans solaires imperméables, gélifiants (par ex. rouge à lèvres, produits en stick, crèmes pour les mains)
Copolymère de butylène/éthylène/styrèneContrôle de la viscosité
Copolymère de styrène et d’acrylatesMicrosphères esthétiques et colorées (par exemple, maquillage)
Triméthylsiloxysilicate (résine de silicone)Formation d’un film (par exemple, cosmétiques colorés, soins de la peau, soins solaires)

[1] « Substances ou mélanges contenant des microplastiques dont les propriétés physiques sont modifiées de manière permanente au cours de l’utilisation finale, de sorte que les polymères ne répondent plus à la définition d’un microplastique donnée au paragraphe 2, point a) ». La perte temporaire de la forme des microplastiques n’est pas censée faire l’objet d’une dérogation.

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