Dioxyde de Titane et classification CMR

Le Dioxyde de Titane (TiO2) sous forme de certaines poudres n’est plus considéré comme une substance cancérogène par inhalation en Union Européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’annoncer l’annulation du règlement CLP (règlement 2020/217) dit ATP14 « en ce qu’il concerne la classification et l’étiquetage harmonisés du dioxyde de titane en tant que substance cancérogène par inhalation sous certaines formes de poudre ». Quel est le contexte et comment l’industrie doit-elle réagir ?

Pour rappel, le règlement CLP ou relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et mélanges s’applique aux produits généraux ou aux détergents par exemple.

1) Le dioxyde de titane en cosmétiques, produits généraux et détergents

Aussi appelé TiO2, le dioxyde de titane est un composé minéral existant à l’état naturel ou fabriqué industriellement. Il peut être utilisé en peinture, en tant que pigment blanc et opacifiant.

Son nom cosmétique INCI européen est titanium dioxyde ou CI77891. Sa forme de poudre blanche le place en ingrédient de choix en formulation de cosmétiques, principalement en protection solaire, maquillage et produits de couleur blanche. En effet, sa couleur blanche inégalée est utile en tant que pigment, opacifiant et filtre UV minéral grâce à ses propriétés de réflexion des UVB (moindre mesure UVA).

Le dioxyde de titane est autorisé en cosmétiques et est rependu dans la branche naturelle ou biologique. À cet effet, la forme nano des particules de dioxyde de titane est inscrite à l’annexe VI du Règlement européen relatif aux cosmétiques depuis 2016 et sa forme micrométrique et nanométrique sont autorisées en formulation cosmétique (avec cependant des limites à respecter).   Une exception : son usage en sprays ou formes pouvant donner lieu à une exposition des poumons par inhalation.

2) Le Dioxyde de Titane et classification CMR jusqu’ à aujourd’hui

En effet, malgré ses nombreux avantages, le dioxyde de titane est une substance qui a fait débat notamment lorsqu’elle se présente sous forme de nanoparticules (intérêt pour les filtres UV). En 2006, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) l’a désigné cancérogène par inhalation chez l’Homme et son utilisation sous forme de nanomatériaux dans les aérosols et produits présentant un risque d’inhalation était interdite.

Puis, en 2020, il a été officiellement listé comme cancérogène de catégorie 2 par inhalation en fonction de la quantité de particules inhalables par une adaptation du règlement CLP.

Malgré tout, aucune étude scientifique n’a fait consensus jusqu’à présent.

3) Le Dioxyde de Titane sous forme de certaines poudres n’est plus considéré comme une substance cancérogène par inhalation en Union Européenne

La précédente décision de classer le TiO2 sous forme inhalable comme CMR a été annulée sur la base de deux éléments majeurs :
–        Les principales études utilisées pour justifier la classification ont été jugées peu fiables. Le point de désaccord concernait principalement l’évaluation de la densité des particules permettant d’estimer la surcharge pulmonaire.
–        La classification était uniquement fondée sur la forme et la taille des particules de dioxyde de titane, celles-ci n’étant pas des propriétés intrinsèques du dioxyde de titane.

 
Sur la base de ces facteurs, la CJUE a annulé la classification harmonisée du dioxyde de titane ; décision à application immédiate.

Au-delà du cas spécifique du dioxyde de titane, la CJUE rejette en général la considération des particules dites peu solubles (Poorly Soluble Particles ou PSP) comme cancérogènes. Il est connu qu’une exposition chronique à ce type de particules peut mener à un risque accru de cancérogénicité. Cependant, l’un des éléments clés de la toxicité observée est la quantité de particules inhalées, laquelle doit être suffisante pour provoquer une réduction sensible des mécanismes d’élimination des particules. Or, c’est cette réduction qui est indispensable à l’apparition d’une inflammation chronique, laquelle à son tour entraîne les effets cancérogènes observés.

Dans leur décision, les autorités avaient précédemment jugé ce mécanisme suffisant pour considérer le dioxyde de titane, et par extension toutes les PSP, comme cancérogènes. A l’inverse, la CJUE a statué que ce mécanisme n’était pas une toxicité « intrinsèque » au dioxyde de titane et ne justifiait donc pas une classification en tant que cancérogène.

Cette décision est extrêmement importante en termes de jurisprudence, car en appliquant le même raisonnement de nombreuses autres substances du même type auraient également pu être classées comme cancérogènes, comme le noir de carbone ainsi que la plupart des pigments d’origine minérale par exemple.
À la suite de cette décision, il a été clarifié que l’ensemble des PSP ne peuvent pas être classés en tant que cancérogènes sur la base de leurs propriétés physicochimiques seulement. Il faut par conséquent prouver l’existence d’une cancérogénicité intrinsèque et non pas secondaire à une surcharge pulmonaire.

En revanche, des mesures de protection de la population, et particulièrement des travailleurs qui sont les plus exposés, doivent être mises en place. La stratégie des autorités européennes est attendue et pourrait prendre la forme d’une classification harmonisée pour la toxicité par exposition répétée ou la mise en place d’une limite d’exposition européenne (qui était la stratégie proposée par l’industrie au départ), prévenant ainsi l’apparition d’une inflammation chronique menant à une potentielle cancérogénicité.

Les conséquences sur le long terme de cette décision sont encore incertaines et des clarifications doivent être apportées. Afin de vous tenir au courant des derniers développements et apports d’information attendus sur le Dioxyde de Titane et classification CMR, n’hésitez pas à vous rapprocher de BIORIUS afin de bénéficier de notre expertise réglementaire à l’écoute des changements les plus récents.

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